Après Doha, la négociation sur le climat est affaiblie


Les négociations sur le climat se sont finalement achevées sur un accord a minima, samedi 8 décembre à Doha, après avoir joué les prolongations pendant vingt-quatre heures. Ce bilan, qu’aucun pays n’a osé juger satisfaisant, est préoccupant à double titre.

Sur le fond, il confirme le manque de volonté politique d’agir avec détermination pour lutter contre le réchauffement. Sur la forme, il traduit une dérive dans la conduite de cette échéance annuelle, alors que la confiance sera une condition importante dans la construction de l’accord mondial qui doit être scellé 2015.

Pour ne pas sortir de Doha les mains vides, le président de la conférence, le vice-premier ministre du Qatar Abdullah Al-Attiyah, a choisi de passer en force, bousculant de façon grossière quatre pays : l’Ukraine, la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie. Cette dernière s’exposait davantage par solidarité que pour son propre compte : les trois pays de l’ex-bloc soviétique font partie des Etats qui s’engagent dans la seconde période du protocole de Kyoto, qui débutera le 1er janvier 2013.

Ils risquent d’être pénalisés par les nouvelles règles d’utilisation des crédits carbone hérités de la première période, cet « air chaud » qui a tant agité la conférence de Doha. De l’aveu de plusieurs négociateurs, le travail habituel de consultation destiné à désamorcer les conflits n’a pas été mené. Les pays en question ont été mis au pied du mur au dernier moment.

« ARRACHER UN APPARENT CONSENSUS »

La prolongation de la conférence vingt-quatre heures après la clôture officielle, si elle ne suscite en apparence qu’un problème de billets d’avion ou de chambres d’hôtel, modifie les rapports de force au détriment de ceux qui ont le moins de moyens pour peser dans les discussions. Samedi après-midi, lorsque M. Attiyah a convoqué la séance plénière pour l’adoption de son texte, il n’y avait plus à Doha que cinq ministres africains sur cinquante-quatre, et les négociateurs étaient de moins en moins nombreux.

A la décharge des hôtes qataris, ce n’est pas la première fois que cela se produit. Depuis Copenhague en 2009, c’est même devenu une habitude. Ou une « méthode entre le secrétariat de la Convention et la présidence pour arracher un apparent consensus », selon un délégué africain.

Pour les pays en développement et les émergents, l’enjeu de Doha était avant tout de pérenniser le protocole de Kyoto, seul traité international contraignant les pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Grâce à l’Union européenne (UE), ils l’ont obtenu.

Mais cette seconde période d’engagement, qui sera de huit ans, ne concerne qu’une poignée de pays : l’UE, l’Australie, la Norvège et quelques autres, qui représentent 15 % seulement des émissions mondiales de CO2.

S’OUVRE MAINTENANT UNE NOUVELLE PÉRIODE DE NÉGOCIATION

Faute d’avoir rehaussé leurs engagements à Doha comme le réclamaient les pays en voie de développement, ils devront revoir leur position en 2014. L’effort des pays industrialisés demeure très insuffisant. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime nécessaire que ces pays suppriment « entre 25 % et 40 % » de leurs émissions d’ici à 2020 pour contenir l’élévation des températures mondiales à 2 °C en moyenne.

Or, selon les calculs de Climate Action Tracker publiés fin novembre, les promesses actuelles ne permettent qu’une réduction comprise entre 10 % et 15 %. Les pays en développement n’ont pas tort quand ils disent que « les pays riches ne font pas leur travail ».

L’accord de Doha est aussi d’une grande faiblesse sur l’aide financière promise aux pays du Sud pour faire face au réchauffement, soit 100 milliards de dollars par an (77,5 milliards d’euros au cours actuel) d’ici à 2020. Le texte se limite à une invitation à « faire au moins aussi bien » qu’au cours des trois dernières années.

S’ouvre maintenant une nouvelle période de négociation, qui sauf surprise, devrait se conclure à Paris, la France s’étant portée candidate à l’organisation de cette conférence. D’ici là, la caravane de la diplomatie climatique passera par la Pologne en 2013 et dans un pays d’Amérique du Sud – le Pérou ou le Venezuela – en 2014.

NOUVEAU RAPPORT DU GIEC ATTENDU EN 2014

Les Polonais, dont l’économie demeure très dépendante du charbon, sont loin d’être à l’avant-garde du combat contre le changement climatique. La bataille menée pour garder leur « air chaud » – qui a illustré les profondes divisions européennes – en est la dernière illustration. C’est un handicap pour la poursuite du processus, qui sort un peu plus affaibli de Doha.

Des échéances ont toutefois été fixées : le calendrier de travail pour 2013 a été à peu près balisé, et un projet d’accord devra être rédigé au plus tard fin 2014. D’ici là, le GIEC aura mis à jour son diagnostic. Son nouveau rapport, attendu en 2014, devrait envoyer un signal fort de l’urgence à agir, qui manque à l’issue de la conférence qatarie.

Samedi, le directeur de Greenpeace, le Sud-Africain Kumi Naidoo, déplorait cet accord de Doha, qui ne donne aucune raison aux entreprises d’accélérer leur transition vers l’économie verte.

Source: Le Monde. Laurence Caramel – Doha, envoyée spéciale

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