
Le Global Carbon Projet (GCP) publie chaque année dans la Revue Nature Climate Change une analyse des émissions globales de carbone issues de la combustion d’énergies fossiles. Les résultats une nouvelle fois décevant de 2012 montrent que des mesures d’atténuation du changement climatique sont plus que jamais indispensables et urgentes pour éviter une dangereuse augmentation des températures.
Une augmentation continue des émissions de CO2
Selon l’étude du GCP, les émissions de dioxyde de carbone ont augmenté de 3% en 2011 pour atteindre 34,7 milliards de tonnes, et devraient avoir augmenté de 2,6% en 2012. Ainsi, de 2000 à 2011, la croissance des émissions mondiales a été de 3,1% par an en moyenne, loin des réductions envisagées par le protocole de Kyoto. En effet, les émissions auraient dû être stabilisées à leur niveau de 1990. Si la tendance se poursuit, la température globale moyenne augmentera probablement de 5°C en 2100.
Ainsi, les émissions mondiales de CO2 continuent de suivre les scénarios d’émissions les plus pessimistes (dits « business as usual »), accroissant l’écart entre les émissions actuelles et celles nécessaires pour contenir le réchauffement à 2°C.
Un espoir incertain : les avancées technologiques futures
Il semblerait que nous nous reposions désormais sur les avancées technologiques à long terme, telle que la capture et le stockage de carbone (CSC). Or, le CSC est pour l’heure très coûteux. Il est donc expérimenté essentiellement dans des pays riches : Norvège, Allemagne, Canada, USA, Danemark, etc. « Nous nous reposons en effet sur des technologies qui doivent être développées, ce qui nous amène à d’importantes incertitudes, notamment de savoir à quel point elles pourraient contribuer à une atténuation future du changement climatique. » a déclaré le directeur de l’étude, Glen Peters du CICERO.
L’inertie mondiale empêche des mesures d’atténuation du changement climatique
L’augmentation continue des émissions de dioxyde de carbone confirme les effets de la crise financière, et pourrait nous maintenir définitivement dans l’un des pires scénarios. « Il y a une inertie considérable dans les systèmes politiques, techniques et sociaux, et même si un accord global ambitieux était trouvé à Doha, cela pourrait prendre plus d’une décennie avant que les émissions commencent à diminuer. » écrivait le co-auteur de l’étude, Robbie Andrew du CICERO, avant la tenue de la 18e conférence sur le climat qui s’est tenue à Doha (Qatar) du 26 novembre au 7 décembre 2012. Malheureusement, la conférence de Doha n’a donné lieu qu’à un maigre accord arraché de justesse aux pays réfractaires.
Toutefois, les efforts de transition énergétique menés par le passé en Belgique, au Danemark, en France, en Suède et au Royaume-Uni ont conduit les émissions à diminuer de 5% par an sur une décennie, même sans politique climatique. Le GCP oublie toutefois que les émissions de ces pays ont été réduites également grâce à la délocalisation d’un grand nombre d’activités industrielles et manufacturières dans les pays en voie de développement.
« Étendre des transitions énergétiques similaires à plus de pays pourrait relancer l’atténuation globale à moindres coûts. Maintenir et approfondir ces transitions énergétiques dans un grand nombre de pays demanderait que des politiques soient menées avec énergie et détermination » a déclaré Glen Peters. « Les troubles économiques incessants dans les pays développés ont réduit les émissions, mais ces effets sont plus que compensés par la forte croissance des émissions dans les économies en développement comme la Chine. »
L’étude montre que les émissions globales en 2011 ont augmenté de moitié par rapport à celles de 1990, date de référence du Protocole de Kyoto. Quelques pays développés en Europe ont largement stabilisé leurs émissions en dessous des niveaux de 1990, l’essentiel de la croissance des émissions venant des économies émergentes.
La Chine, premier pollueur mondial, émet de plus en plus de CO2
En 2011, la Chine rejetait plus de 9 milliards de tonnes de dioxyde de carbone, loin devant les Etats-Unis (5,4 milliards de tonnes), l’Inde (2,3 milliards de tonnes), la Russie (1,7 milliard de tonnes), le Japon (1,2 milliard de tonnes) et l’Allemagne (0,7 milliard de tonnes). La France émettait 0,3 milliard de tonnes de CO2 en 2011.
Les émissions chinoises ont augmenté de 10% en 2011 (plus 800 millions de tonnes de carbone, l’équivalent de ce que l’Allemagne émet en un an). Désormais, La Chine émet autant que l’Union européenne sur une base par habitant, soit environ 36% de plus que la moyenne mondiale des émissions par habitant. Rappelons que depuis 2006, la Chine est devenue le premier émetteur de CO2 dans le monde.
« De fortes croissances des émissions dans les pays en développement changent en permanence la distribution mondiale des émissions, et les arguments d’équité qui étaient avancés en 1990 ne sont plus valables aujourd’hui » a déclaré Peters.
En effet, dans les années 1990, les pays en voie de développement représentaient seulement 35% des émissions globales de CO2, contre 58% en 2011 : dorénavant, les émissions de CO2 proviennent donc majoritairement des pays en voie de développement.
Un changement nécessaire et urgent, mais difficile à mettre en place
« Chaque année, l’augmentation des émissions rendent la cible des 2°C un peu plus difficile à atteindre. Le seul moyen envisageable de contenir le réchauffement à 2°C est de réduire les émissions globales, et ceci ne pourra arriver que si les plus grand émetteurs dans les pays développés et en développement mettent en place des mesures d’atténuations ambitieuses et continues. » D’or et déjà en 2011 l’Agence Internationale de l’Energie affirmait que l’objectif de 2°C était hors d’atteinte, ce qui ne laisse rien présager de bon pour la suite.
« J’ai peur que des les risques d’un changement dangereux du climat soient trop importants dans notre trajectoire actuelle », a déclaré Corinne Le Quéré, co-auteure de l’étude, directrice du Centre Tyndall pour la recherche sur le changement climatique à Norwich (Royaume-Uni) et professeure à l’université d’East Anglia (Norwich). « Nous devons inverser la tendance avant 2020, des pays l’ont déjà fait par le passé et nous pouvons le faire à l’échelle mondiale. Tout le monde a un rôle. » a-t-elle ajouté.
Cette recherche est basée sur la mise à disposition d’un grand ensemble de données par le GCP, publié simultanément dans Nature Climate Change et Earth System Science Data.
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